Des clowns dans leur jardin

Publié le par Le Ternois de service

A quelques heures de la levée de rideau du quinzième festival des clowns, petit retour en arrière sur les traces de Bouly et Culbuto...

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Si Tergnier entretient avec l'art clownesque un lien presque filial, c'est que des clowns y imprimèrent une marque indélébile durant les heures les plus sombres de la seconde guerre mondiale.

C'est cette histoire d'hommes qui refusèrent de capituler dans l'isolement que Pierre Bouillon, alias Bouly, racontait au printemps 2004 avec la précision et l'humilité qui le caractérisait, lui le clown blanc.

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Bouly sur la scène du festival ternois en 1988 avec à sa droite son compère Picolo et à sa droite les célèbres Barios.

 

Ses souvenirs, il les exhumait quelques mois seulement après la disparition en décembre 2003 de son complice des débuts Maurice Dupont, alias Culbuto que les spécialistes du cirque saluèrent en leur temps comme l'un des meilleurs augustes de sa génération.

Leurs chemins s'étaient séparés depuis 1971 lorsque, frappé par le destin, Pierre Bouillon, cheminot de son état, avait choisi de s'éloigner des pistes de cirque et des scènes de spectacle alors que Maurice Dupont, lui, avait au contraire décidé de quitter le chemin de fer pour se consacrer exclusivement sur le plan professionnel à l'art clownesque.

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C'est ce même Culbuto qui sera quinze ans plus tard à l'origine du festival des clowns de Tergnier lorsque, l'heure de la retraite sonnant, son ami Jean-René Desjardin – l'actuel président du festival – organisera en son honneur en mars 1986 le jubilé Culbuto. Et c'est dans les coulisses de ce festival que l'on retrouvera en Pierre Bouillon, resté Bouly sur la scène amateur, l'indéfectible serviteur de la vie locale et de l'art clownesque réunis.

Son engagement venait de loin: du repli durant l'été 1940 de l'Armée française dans la poche de Dunkerque et des convois de prisonniers qui s'en suivirent à destination de l'Allemagne.

Devant le spectacle de la débâcle, des troupes d'une tout autre nature s'étaient formées dans la ville cheminote pour venir en aide aux prisonniers.

« Deux troupes écumaient la région avec leurs galas de soutien aux prisonniers de guerre. Nous étions tous bénévoles et les recettes permettaient de financer l'envoi de colis » se souvenait Pierre Bouillon.

Doté – comme on dit - «d'un bel organe », lui, chantait dans la troupe de M. Mennechet tandis que Maurice Dupont évoluait en clown blanc au sein de l'Amicale Swing d'Emile Guel. Il y donnait la réplique à l'auguste Corelli – Roger Allondrelle pour l'état civil et futur président de la section tennis de table de l'ESCT pour tous les sportifs de l'agglomération.

Et une fois encore, la guerre est venue perturber le cours des évènements.

Réquisitionné pour le compte du service du travail obligatoire, Corelli céda la défroque de l'auguste à Maurice Dupont qui, à son tour, passa le costume à paillettes du clown blanc à Camille Machuel, une autre figure de l'Amicale Swing d'Emile Guel.

« Maurice en convenait volontiers: il était trop petit pour remplir le costume du clown blanc » se souvenait Pierre Bouillon; et tout naturellement, c'est vers lui que se tourna Maurice Dupont pour lui succéder dans son ancien rôle. « C'était à la libération. Les gens revivaient; il y avait des bals partout et l'orchestre d'Emile Guel affichait complet. Camille Machuel est retourné à l'orchestre et avec Culbuto, on se croisait souvent dans les coulisses. J'affichais une bonne prestance; il m'a proposé d'endosser l'habit de lumière » se souvenait Pierre Bouillon.

Le futur Bouly ne pouvait oublier cette période à plus d'un titre.

A cause des circonstances du premier spectacle assuré par le duo d'abord. « C'était à Laon pour l'arbre de Noël des enfants de cheminots. Il y avait eu confusion entre les horaires de départ et d'arrivée du train. A l'heure où nous nous sommes présentés en gare, notre train rentrait en gare de Laon. Nous étions catastrophés. Nous avions un collègue qui ramenait une machine à Laon; il nous a pris à bord et on a fait le voyage sur le tender! On était gelés mais on est arrivés dans les temps. »

A cause de son nom de scène ensuite: « Flytos! Je ne sais pas où je suis allé chercher ce nom d'insecticide! » s'amusait-il. A peine un an plus tard, le 4 novembre 1945 très exactement, il allait en changer au profit de Bouly, un nom de scène qui lui collait tellement à la peau que jusque sa disparition en mars 2006, c'est ainsi que l'appelaient ses concitoyens.

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De ces deux figures de la vie locale, il subsiste le square Culbuto, inauguré le 17 février 2007 à deux pas de sa petite maison à l'angle des rues Aristide Briand et Emile Zola, et la salle Bouly inaugurée une semaine plus tard à Quessy centre après rénovation totale de la salle des fêtes.

Ensemble, les deux personnages se retrouveront également unis comme au premier jour dans une sculpture monumentale à ériger place de la gare sur le flanc de la médiathèque mais l'artiste auquel la ville a confié le chantier, comme Flytos et Culbuto en leur temps, a pris du retard; et il n'y a plus aujourd'hui de tenders.

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17 février 2007: Jacques Desallangre dévoile la stèle du square Culbuto en compagnie de Madame Dupont.

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